Anthony Browne (pour les enfants)

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    Anthony Browne

    Anthony Browne est bien anglais. Son flegme ne l’empêche pas de nous offrir des livres pour enfants à la fois mystérieux et ironiques dont la pointe d’humour bien sentie chatouille nos sentiments les plus enfouis. Et c’est d’abord en tant qu’adulte, en tant que lecteur d’une histoire racontée en images et en mots qu’il faut s’y intéresser. Et pour bien lire les albums d’Anthony Browne, mieux vaut s’y prendre à deux ou trois fois, tant les éléments se situent à différents niveaux de lecture.

    Des faciès plus humains que nature
    Ce qui étonnera de prime abord, c’est cette représentation de fillettes et de garçons aux faciès de chimpanzés et celles d’adultes en gorilles. Familles de singes, pourtant si humains et bien de notre temps. Familles monoparentales pour la plupart : une fille et son père ou une mère et son fils dans Anna et le Gorille et Des invités bien encombrants ou encore Histoires à quatre voix… Un livre dont l’auteur avoue avoir commencé avec des personnages humains. Sans succès : « C’était trop caricatural à mon goût. Et au bout d’un moment, on le croira ou non, la mère, personnage auquel je m’était attaché, s’est transformée en gorille. Le livre est ainsi apparu plus léger. D’une certaine manière les gens sont devenus plus vrais ».

    Une fragilité passée au Jacquard
    Derrière leur masque de gorille, les personnages masculins sont concentrés, puissants, tacites, protecteurs, souvent fragiles et parfois imbéciles. Pantoufles, peignoir, journal, télévision. Allure encore renforcée par contraste avec celle des femmes : tenue sexy, talons hauts. Enivrantes, frivoles, instables, joyeuses… voire vulgaires ? Ces adultes-gorilles font figure d’une véritable alliance du touchant et du vulnérable. Tout prend sens, lorsque l’on sait que le père de l’auteur est décédé devant lui alors qu’il n’avait que 17 ans. Ce père avait une stature forte, exerçait divers métiers dont celui de boxeur et professeur de dessin et portait une robe de chambre… Jacquard. Ce tissus écossais constitue un indice vestimentaire de faiblesse, motif inexorable et répétitif dans la production d’Antony Browne qui agit comme un signal à chaque apparition, spécialement celle du père dans Mon papa.

    L’histoire par le détail
    Anthony Bronwe raconte en dessinant. A tel point que l’image nous confie ce que le texte n’avoue pas ouvertement. La métamorphose qui s’opère tout au long du temps qui passe dans Histoire à quatre voix est donnée à travers différents signes : les arbres grimaçants renforcent le hurlement de la mère – à la recherche de Charles – tandis qu’un luminaire en forme de perce-neige indique le moral moins sombre du père de la fillette. Autant d’indices qui reflètent les passions de l’âme : colère, mensonge, tristesse, bonheur, surprise, naissance… Le coquelicot de la fin, fleur éphémère, qu’un rien étiole, nous laisse entrevoir l’évanescence des rencontres.

    Chaque objet, chaque élément de la page se fait le porte-parole d’un sens. Les contenus s’associent dans l’image pour nous faire ressentir l’état intérieur des protagonistes. Comme le souligne le professeur Evelio Cabrejo-Parra – psycholinguiste, responsable du cursus Sciences du langage à l’Université Paris VII – dans Marcel et Hugo : tout concourt à nous dire que Marcel est seul. Seul alors que tout le monde autour de lui, même les objets, même les arbres, sont deux ou trois. Les détails sont autant d’indices des états psychiques des personnages, de cette solitude ambiante.

    Chaque page est constituée de respirations, d’envols aussi. Les tableaux de Magritte, Hopper et Munch… sont entrevus, cités, effleurés comme autant de prolongement de sens, de métaphores, d’appartenance à un univers culturel. C’est donc aussi à un parcours d’initiation que le lecteur est invité, par petite touche, sans obligation. Et lorsqu’on arrive à la dernière page, la boucle semble bouclée mais la fin reste suggérée, jamais confirmée, comme si l’histoire ne s’arrêtait pas là et que les personnages continuaient à vivre bien au delà des pages. Et c’est pourquoi, sans doute, Christian Bruel, éditeur et auteur d’une monographie sur Anthony Browne, ne cesse de répéter : « Méfiez-vous de cet homme ».

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